Comprendre et maîtriser la reproduction des cocotiers

Par R. Bourdeix, 13 Novembre 2019.
Les Polynésiens classent souvent les cocotiers en femelles et mâles. Cette classification les aide à selectionner de bonnes semences. Cependant, les botanistes et les scientifiques considèrent que chaque cocotier est à la fois femelle et mâle. Comprendre les secrets de la reproduction du cocotier est nécessaire pour sauvegarder les variétés traditionnelles et créer de nouvelles variétés très performantes.
Les cocotiers produisent des inflorescences tout au long d'année. Lorsqu'une inflorescence s'ouvre, on y trouve deux sortes de fleurs. Il y a des centaines de petites fleurs mâles, qui ont la forme et la taille d'un grain de riz et qui contiennent le pollen. On trouve aussi entre cinq et cinquante petites boules qui sont les fleurs femelles qui vont se transformer en noix de coco. Il faut environ un an entre le moment ou l'inflorescence s'ouvre et celui ou les coco sont mures, Dans la plupart des cas, pour une semence de cocotier, on connait la mère, qui est le cocotier sur lequel la noix de coco a poussé; mais on ne connait pas le père, dont le pollen est apporté par le vent ou les insectes.


Nain Vert Compact à petit fruits produisant deux inflorescences
presque simultanées lors d'une sécheresse suivi d'une pluie 
Chez certaines variétés, comme beaucoup de cocotiers Grands, toutes les fleurs mâles mûrissent et tombent avant que les fleurs femelles ne deviennent réceptives et puissent être fécondées. Chez d'autres variétés, les fleurs femelles et les fleurs mâles sont mures au même moment, et le cocotier peut s'autoféconder. Dans ce cas, les semences obtenues n'ont qu'un seul parent, qui est à la fois la mère et le père.
On peut planter ensemble une variété de couleur rouge orangée (par exemple un Nain Rouge Compact) et une variété de couleur verte (par exemple un Grand ou un Nain Vert) pour conserver ces deux variétés et créer un nouveau croisement. Si l'on veut obtenir beaucoup de semences de ce nouveau croisement, il faut supprimer les fleurs mâles d'une des variétés. 
Nous préparons un film qui montre comment supprimer les fleurs mâles sur deux inflorescences, l'une déjà ouverte, et l'autre sur le point de s'ouvrir naturellement. Il faut faire attention d'enlever les deux fleurs mâles qui se cachent en bas des fleurs femelles, ce sont celles que l'on oublie le plus souvent. Il vaut mieux enterrer les épillets et les fleurs mâles, ou les emmener loin du champ pour que le pollen qui reste ne puissent pas contaminer les fleurs femelles.
La plupart des cocotiers peuvent s'auto féconder, mais les taux d'autofécondation sont très variables selon les variétés et selon les saisons. La plupart des types nains se reproduisent par autofécondation, à l'exception de certain Nain Compacts. Chez les types Grands, au sein d'une inflorescence, la totalité ou la plupart des fleurs mâles mûrissent et tombent avant que les fleurs femelles ne deviennent réceptives. Dans ce cas, le pollen qui féconde un cocotier vient généralement d'un autre cocotier, dont le pollen est apporté par le vent ou par les insectes. Dans ce cas, chaque semence de cocotier provient d'une mère et d'un père, le plus souvent distincts de la mère. Toute la difficulté de la sélection provient de ce que l'on choisit souvent la mère (le cocotier sous lequel on ramasse la semence) mais que l'on ne connait ni ne contrôle le père (pollen apporté par le vent ou les insectes).
Il existe également des possibilités de fertilisation entre deux inflorescences successives sur le même cocotier. Dans ce cas, le pollen de la nouvelle inflorescence fertilisera les fleurs femelles de la précédente inflorescence (Bourdeix et al., 2015). Ceci est particulièrement fréquents chez les Nains Compacts Polynésiens: en fin de saison sèche, quelques jours après la première grosse pluie, deux inflorescences sortent pratiquement simultanément sur de nombreux cocotiers.

Nous avons réalisé un poster sur la biologie de la reproduction du cocotier, dont il existe pour l'instant seulement une version anglaise. Ce poster pourrait être amélioré et traduit en français.


ROGNON a proposé en 1976 une définition des phases femelles et mâles de l'inflorescence du cocotier. La phase femelle s'étale de l'entrée en réceptivité de la première fleur à la nécrose des derniers stigmates. La phase mâle commence dès l'ouverture de l'inflorescence et s'achève à la chute de la dernière fleur mâle. Le cocotier peut se féconder lui-même, grâce à deux mécanismes distincts :
  • fécondation entre les fleurs femelles et mâles d'une même inflorescence,
  • fécondation entre les fleurs femelles d'une inflorescence et les fleurs mâles de l'inflorescence suivante.
L'étude du recouvrement moyen entre phases mâles et femelles a permis la constitution de quatre groupes de comportement :
  1. Phase femelle courte, sans recouvrement par aucune phase mâle. Certaines populations de Grands Ouest-Africain présentent ce type de comportement, considéré comme allogame strict.
  2. Phase femelle courte recouverte en partie par la phase mâle de l'inflorescence suivante. Cette classe intermédiaire correspond à une allogamie préférentielle. Elle comprend la plupart des écotypes grands: Polynésie, Vanuatu, Cambodge, Malaisie, Comores, et certains Grands Ouest-Africain. Le Nain Niu Leka est le seul nain connu de ce type.
  3. Phase femelle longue recouverte totalement par la phase mâle de la même inflorescence: les Nains Jaune et Rouge Malaisie, Rouge Cameroun et Polynésie sont des autogames.
  4. Phase femelle recouverte partiellement par les deux phases mâles de la même inflorescence et de la suivante: il s'agit des Nains Verts du Brésil, de Sri Lanka et de Thaïlande, du Nain brun de Nouvelle-Guinée, considérés comme préférentiellement autogames.
D'une façon générale les nains sont préférentiellement autogames alors que les grands sont préférentiellement allogames. Il existe cependant quelques exceptions : Le Nain Niu Leka des Iles Fidji (Nain Compact) est allogame. Au Sri Lanka, le Grand Rath Thembili (ou King Coconut) de Sri Lanka est autogame. Les Nains Compacts de Polynésie ont divers modes de reproduction, et une tendance très poussée à emmètre deux inflorescences à quelques jours d’intervalle, juste après une grosse pluie.

Références 
Bourdeix R., Konan JL et N'Cho YP, 2005. Cocotier, guide des variétés traditionnelles et améliorées.  Montpellier, France, Editions Diversiflora, 104 p.
Rognon, F. (1976). Biologie florale du cocotier. Durée et succession des phases mâles et femelles chez divers types de cocotiers. Oléagineux, 31(1), 13-18.
Meléndez‐Ramírez, V., Parra‐Tabla, V., Kevan, P. G., Ramírez‐Morillo, I., Harries, H., Fernández‐Barrera, M., & Zizumbo‐Villareal, D. (2004). Mixed mating strategies and pollination by insects and wind in coconut palm (Cocos nucifera L.(Arecaceae)): importance in production and selection. Agricultural and Forest Entomology, 6(2), 155-163.
Thomas, R. J., & Josephrajkumar, A. (2013). Flowering and pollination biology in coconut. Journal of Plantation Crops, 41(2), 109-117.